(Sur les prétendus intellectuels, leur suffisance et sur les théories du complot)
Le mandarin universitaire ou le prétendu intellectuel artistique du haut de sa suffisance regarde le peuple avec condescendance en agitant ses diplômes, ses œuvres, ses films, diplômes souvent obtenus avec des facilités toutes particulières, films réalisés sans soucis majeurs car les facilités d’accès de la bourgeoisie à sa propre reproduction de classe sont innombrables, grâce aux moyens financiers notamment (frais de scolarité, logements…) mais aussi grâce à la cooptation (les liens de pouvoir, les connaissances, les pistons, la filiation…).
Le mandarin est méprisant, voit en la masse de simples va-nus-pieds, pense détenir la vérité absolue. Mieux, il pense devoir de lui apporter la vérité. Du haut de sa chaire universitaire, de son fauteuil de people, il pense tout comprendre, tout saisir tout voir et surtout peut tout expliquer sans jamais se confronter à la critique. Le mandarin pense tout comprendre a priori c’est-à-dire avant de s’être confronté à un problème. Le mandarin n’a pas besoin d’expérience, lui seul sait.
Eugène Dühring fut un philosophe, économiste et théoricien raté du XIXème siècle. Diplômé en droit, ne pouvant exercer une activité juridique du fait de sa cécité, il obtient un poste de privat-dozent à l’université de Berlin en 1870, c’est-à-dire qu’il pouvait faire cours, sans être professeur ou titulaire d’une chaire. Il croyait tout avoir inventé, tout avoir dit à partir de son esprit. Engels démontre pourtant que même dans ses prises de position strictement juridiques, Dühring faisait preuve d’un esprit étriqué issu de l’esprit prussien, de ce tout petit esprit, dans cette toute petite partie de l’Allemagne. En cela Dühring démontre que ce n’est pas dans ses seules idées que naissent les théories mais bien dans la pratique du quotidien. En cela, il donne raison à Mao qui dit que toute théorique est le fruit de la pratique, pratique mis en œuvre dans un mode de production déterminé (De la Pratique).
Néanmoins Mao nous apprend qu’il faut raison garder, apprendre de ses erreurs, élargir ce que nous apprenons de la pratique, partir du particulier pour arriver au général. Il faut observer tout d’abord, interroger puis commencer à théoriser. Dühring fait tout l’inverse : il part du général qu’il croit se présenter à lui (dans ce qu’il connait de la Prusse de 1870) pour en faire une théorie universelle, et d’une vision tronquée, confuse, mutilée, il fait une histoire universelle. Dühring part de la vie de Dühring pour expliquer l’univers !
Pour ses références juridiques, il s’appuie sur les codes prussiens qui ne s’appliquaient pas même sur toute l’Allemagne de 1870. C’est un peu comme si l’on faisait aujourd’hui un traité de droits fondamentaux à partir des seules lois du concordat qui s’exerce sur le territoire de la Moselle et de l’Alsace !
Pour parler d’économie, il se contente d’élaborer des thèses à partir du seul marché du livre de la ville de Leipzig de 1860 environ (sic !)…Cela équivaudrait à ce que quelqu’un de nos jours fasse une économie politique universelle à partir de l’observation du seul marché aux puces de Saint-Ouen !
Dühring du haut de sa suffisance s’en contente. Pour parfaire sa démonstration lorsque manifestement il lui manque une observation pratique, il crée des personnages fictifs qui sont censés expliquer dans un contexte absolu et idéel, tel qu’il ne se présentera jamais dans la « vraie vie » et s’imagine alors ce qui peut se passer : il s’imagine…On pourrait se dire que c’est une philosophie vieillie et qu’aujourd’hui tel ne serait plus le cas. Hélas non : L’un des livres de philosophie politique le plus étudié dans le monde anglo-saxon (John Rawls : Théorie de la Justice) part du même postulat : imaginer deux personnages, hors de tout temps, de toute société, de toute époque, de tout moyen de production et les faire parler. Qu’advient-il ? Il s’accorde sur le principe de la justice, et Rawls de dérouler sur cinq-cents pages tous les mystères qui en découlent : l’intolérance, l’injustice etc.
De qui se moque-t-on ? On raille le sens pratique si propre aux ouvriers qui sans mettre des mots savants sur des conceptions arrivent à se dépêtrer de situations problématiques. Qui n’a jamais vu un groupe d’ouvriers face à une contradiction (un problème) mettre en œuvre leur sens pratique, œuvrer pour découvrir la panne d’une machine-outil qu’un ingénieur n’arrive pas à résoudre, ne connait rien de la pratique. Il faut faire confiance aux masses. Les erreurs sont possibles mais elles permettent d’avancer. Au final la solution est trouvée la plupart du temps.
Ainsi tous les jours sur les chantiers, dans les usines, la pratique permet à des milliers d’ouvriers d’œuvrer, de travailler. Cette force de production, aucun patron n’en sera jamais capable.
Pourtant, on ne cesse de vouloir imposer un point de vue aux masses : l’exemple typique est actuellement les théories du complot qui fleurissent et font florès un peu partout dans tous les médias : on tente de la sorte d’imposer un point de vue aux masses pourtant tous ces édifices complexes ne sont que des châteaux de cartes !
Revenons sur quelques points qui ont le vent en poupe en ce moment afin de démasquer et d’abattre les petits et mesquins Dühring se cachant derrière.
- Les attentats du 11 septembre 2001 : Les tours ne peuvent pas s’effondrer ainsi : Beaucoup d’entre nous ont-ils déjà assisté au choc d’un avion de ligne face à une structure aussi longiligne qu’un tour de plusieurs centaines de mètres ? Non mais de fait, on pense que ce choc risque bien de faire chuter la dite tour. Qui peut sérieusement imaginer qu’une tour de métal et de verre de 300 m résiste à un choc à 800 km/h avec un avion qui est une structure métallique élancée bourré de combustible, en somme un véritable missile explosif. Les avions de chasse de l’armée américaine ne sont pas intervenus ? On s’imagine mal que dans un laps de temps aussi court (d’une quarantaine de minutes) que les militaires yankee puissent intervenir… imaginons le processus de la remontée des informations suite à la première collision jusqu’à un état-major et l’ordre éventuel descendant donné aux avions de chasse d’abattre des avions de lignes, ordre devant être validé par la Maison Blanche elle-même. Le temps n’y est guère, il fallait bien plus de quarante minutes. Il est à rappeler aussi que des centaines d’avions circulaient ce jour au-dessus de New-York et qu'abattre un avion suppose un crash sur cette même ville ou aux alentours surpeuplés de la métropole : quel militaire aurait pris un tel risque ?
D’aucuns disent qu’un certain nombre de logos d’origine franc-maçons se trouvent sur des édifices publics américains, ce qui tendrait à prouver un complot. On ne voit guère de lien entre les édifices historiques des U.S.A. et ces attentats. La Franc-maçonnerie est apparue dans les pays anglo-saxons et s’est développée avec la philosophie des lumières. Les Etats-Unis d’Amérique sont le fruit de cette philosophie des lumières et un certain nombre de pères fondateurs étaient maçons. Dès lors des symboles peuvent exister de-ci de-là.
En somme sans fait probant, le complotiste part tout simplement du complot (sa raison d’être) pour prouver le complot ! Du fatras, le complotiste tire des conséquences, il ne déduit pas des événements, il induit des faits : c’est parce que c’est un complot que le second avion n’a pas été abattu etc.
Ce qui est en revanche vrai, c’est que la politique impérialiste des Etats-Unis a armé les hommes de Ben Laden pour combattre en Afghanistan dans les années quatre-vingt et que Ben Laden lui-même a été sans doute formé ou tout du moins aidé par la C.I.A. dans sa lutte contre le social-impérialisme russe. Ceci est un fait historique.
En revanche, aucun ouvrier ne peut penser avec son sens pratique de constructeur, qu’avec un tel choc une tour ne s’effondre pas. Qu’importe, les bourgeois illuminés refont l’histoire, car celle-ci s’avère trop simple pour eux. Ainsi, ils cherchent à justifier les peurs qu’ils vont instrumentaliser à la recherche du bouc-émissaire : ce sera le juif financier, ce sera l’arabe terroriste. Bref « on nous cache tout on nous dit rien » comme chantait Jacques Dutronc qui se moquait du bourgeois.
L’homme aime à se compliquer la tâche : singe descendant d’un arbre, il ne regarde pas la branche dont il vient, mais fixe le ciel devant lui et trouvant les nuées fort à son goût, et ainsi invente toute une série d’inepties idéalistes : les idées absolues, Dieu, les complots. Il aime jeter un voile d’obscurité sur l’évidence et la simplicité.
Pourtant l’histoire du monde est déjà suffisamment complexe si on l’examine de manière matérialiste son déroulé sans ajouter ces ombrages inutiles.
Descartes dans son Discours de la méthode nous apprend tout d’abord à distinguer ce qui est évident à nos yeux. Ce qui est évident c’est que le 11 septembre 2001, les U.S.A. ont payé une politique impérialiste désastreuse après avoir eux-mêmes fournis les armes de leur propre perte.
Donc voilà les Dühring qui défilent : aujourd’hui ils ne sont plus privat-dozenz, ils sont des cinéastes, des écrivains, des comiques : peu importe leurs qualifications, ils ont autorités sur tout : ils partent de leurs convictions pour faire une histoire universelle. Pourquoi se remettre en question ? Par ailleurs, lorsqu’on les remet officiellement en question, comme lorsque l’on veut appliquer une décision de justice dans le cadre d’un viol d’une enfant de 13 ans comme dans le cas de Polanski, on crie que la justice même bourgeoise ne passera pas face au génie. Les ministres défilent, les excuses bidons aussi : « elle en faisait bien 25 à l’époque ». Les simili-Dühring doivent avoir raison sur tout et échapper à la justice bourgeoise qu’ils aiment tant ordonner d’aventure.
Il en est de même dans d’importants autres domaines. Prenons l’exemple du cas de Joseph Staline : peu de révolutionnaires on le cran de se revendiquer de son héritage . Du coup, on nous dira vous êtes « staliniste », « passéiste », « dangereux ». Ces bons messieurs qui se figurent détenir la vérité se sont-ils donné la peine de lire quelques textes de Staline ? Non un frisson d’effroi les prend : pourquoi donc lire Staline ? Peut-être pour y découvrir des choses à contrecourant de certitudes des manuels bourgeois d’histoire.
Juste un exemple voici la réponse de Staline dans un courrier privé aux éditeurs d’une vie de Staline : « Je suis absolument contre l'édition des Récits sur l'enfance de Staline. Le livre abonde d'une masse d'inexactitudes de fait, d'altérations, d'exagérations, d'éloges non mérités. Des amateurs de contes, des baratineurs (peut-être des baratineurs « honnêtes »), des adulateurs ont induit en erreur l'auteur. C'est dommage pour l'auteur, mais un fait reste un fait. Mais ceci n'est pas l'important. L'important réside en ce que le livre a tendance à enraciner dans la conscience des enfants soviétiques (et les gens en général) le culte des personnalités, des dirigeants, des héros infaillibles. C'est dangereux, nuisible. La théorie des « héros » et de la « foule » n'est pas bolchevik… » (Lettre 16 Février 1938). Nous sommes bien loin du tyran imbu de sa personne qui impose d’une main de fer un culte à sa propre personne. A lire cette lettre, d’autre exemples existent, on perçoit encore mieux le ridicule d’un Khroutchev et des révisionnistes en 1956. A lire cette lettre on comprend la justesse des prises de positions du PCC contre la déstalinisation dans les années soixante.
Que les bourgeois nous conspuent lorsque nous nous référons à Staline ou à Mao est une chose évidente et saine : ces deux leaders du mouvement ouvrier sont aux antipodes du mode de production capitaliste que les bourgeois veulent tant conserver : nous sommes leur ennemis, ils le savent. Plus grave est l’attitude de prétendus révolutionnaires petits-bourgeois qui nous défendraient littéralement d’assumer cet héritage. Pourtant souvent ces derniers n’ont pas un grand héritage à revendiquer…
En somme partout autour de nous pullulent les Dühring assurés de leur suffisances. Ils sont un poison pour la vie des masses, des génies malfaisants, car ils veulent imposer aux masses leur point de vue. Les masses veulent comprendre par elles-mêmes, elles n’ont pas besoin de ces ridicules arguties : il suffit d’éviter la bave de ces petits Dühring, parfois leurs balles enrobées d’un délicieux sucre, pour voir la réalité de choses : ces Dühring veulent entraver la puissance créatrice des masses, car ces masses auront tôt fait de traduire ces mesquins mandarins devant le tribunal de la raison, où leurs argumentaires se réduiront comme peau de chagrin avant que de disparaître. C’est cela la révolution culturelle : battre en brèche les traditions sempiternelles, les certitudes obtenues à bon compte, renvoyer les Dühring dans leurs tours d’ivoires ou plus constructif les envoyer sur le terrain prendre conscience de l’intelligence des masses, intelligence qu’ils méprisent tant.
VIVE L'AURORE PROLETARIENNE!