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30 mai 2010 7 30 /05 /mai /2010 06:32
 

 

 

Sur cette solide base politique venue de notre histoire , il faut s'emparer de la question du marxisme, du maoïsme comme courant révolutionnaire mondial , comme base théorique et idéologique , comme systématisation de la plus grande expérience révolutionnaire de notre temps: la GRANDE RÉVOLUTION CULTURELLE PROLÉTARIENNE .

La Révolution Culturelle n'est pas une simple phase tactique de l'édification du socialisme en Chine.

Elle n'est pas un simple mouvement de masse pour rectifier et régénérer le Parti.

Elle est, comme le disent les camarades chinois, « sans précédent dans l'histoire. »

Elle est LA grande révolution de notre temps.

Elle est pour la deuxième moitié du XXème siècle, ce qu'a été la Commune de Paris pour le fin du XIXème , ce qu'a été Octobre 17 pour le début de notre siècle.

Prendre position sur ce point distingue radicalement le marxisme-léninisme du révisionnisme moderne .

Notre Maxime , c'est : « Dis-moi ce que tu penses de la révolution culturelle, je te dirai si tu es un révolutionnaire marxiste-léniniste. »

La Révolution Culturelle est une RÉVOLUTION au sens plein du terme : les masses populaires s'en prennent à la question de l'Etat, se mêlent des affaires de l'Etat.

Il s'agit de débusquer et d'abattre les représentants politiques d'une classe : la nouvelle bourgeoisie présente dans le Parti Communiste.

La Révolution Culturelle est une REVOLUTION PROLETARIENNE.

La classe ouvrière y met en avant et pratique le mot d'ordre : « LA CLASSE OUVRIÈRE DOIT DIRIGER EN TOUT. »

A partir des tempêtes révolutionnaires ouvrières à Shanghaï en Janvier 67 , le prolétariat fait, à une échelle sans précédent, son entrée massive sur la scène politique.

Il entre dans les universités , il va directement diriger le combat dans la superstructure.

La Révolution Culturelle fait surgir dans la réalité des nouveautés socialistes inconnues auparavant :

- LES COMITÉS RÉVOLUTIONNAIRES DE TRIPLE UNION , qui prennent en main la gestion des unités de production.

- LES UNIVERSITÉS LIÉES AUX USINES, l'entrée des paysans pauvres et des ouvriers dans les universités.
Tout cela organise la réduction de la DIFFÉRENCE ENTRE TRAVAIL MANUEL ET TRAVAIL INTELLECTUEL.

- L'ÉTUDE DE MASSE VU MARXISME, et en particulier de la PHILOSOPHIE , qui fait barrage au monopole élitiste de la conception fermée du Parti.

- LA MOBILISATION POUR UN ART ET UNE CULTURE RÉELLEMENT PROLÉTARIENS .

- LA PARTICIPATION GÉNÉRALISÉE DE TOUS LES CADRES AU TRAVAIL PRODUCTIF.

- L'IMPLANTATION MASSIVE DES JEUNES INSTRUITS CHEZ LES PAYSANS- PAUVRES .

Et quantité d'autres transformations révolutionnaires qui visent à faire des masses un rempart invincible contre la restauration du capitalisme.

Sur la base de la Révolution Culturelle, le maoïsme approfondit et transforme tous les grands concepts du marxisme .

Le concept de classe sociale lui-même est soumis à réexamen : cette « bourgeoisie au sein du Parti » dont parle Mao Té Toung , elle n'est pas définie en termes de possession des moyens de production !

Ce qui est en cause, c'est son projet d'Etat, son projet politique.

La tâche fixée, c'est de mettre la politique au poste de commandement, c'est de chercher la base sociale de la nouvelle bourgeoisie révisionniste, de son projet politique.

A l'heure du programme commun, voilà une indication décisive.

La Révolution Culturelle et le maoïsme, de façon centrale , transforment la notion même de dictature du prolétariat.

Elles mettent en évidence que l'axe n'est pas la construction du socialisme.

L'axe, c'est la lutte des classes.

Lénine disait « n'est pas marxiste celui qui n'étend pas la reconnaissance de la lutte des classes jusqu'à celle de la dictature du prolétariat. »

La Révolution Culturelle nous enseigne : «  n'est pas marxiste celui qui n'étend pas la reconnaissance de la dictature du prolétariat jusqu'à celle de la lutte des classes. »

Le socialisme n'est pas d'abord une « construction. »

C'est une lutte de classe.

Voilà pourquoi la Révolution Culturelle est la révolution de notre temps.

Nous disons :
VIVE LA GRANDE RÉVOLUTION CULTURELLE PROLÉTARIENNE, VIVE LA LUTTE DES CLASSES SOUS DICTATURE DU PROLÉTARIAT!

 

UCFML, 1975



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15 mai 2010 6 15 /05 /mai /2010 06:14



La chute de Camus est par excellence le récit de la culpabilité bourgeoise et son impossible rédemption. On suit un personnage tantôt sympathique, tantôt malsain qui ne cesse de ressasser un événement qui le trouble au plus profond.

Tout tourne autour ce malaise, rien d’autre ne compte plus et l’univers du personnage devient ce malaise. Jean-Baptiste Clamence (de « clemens » en latin doux, favorable, indulgent, qui donnera clément) dresse un long monologue, un soliloque, il prend la parole ne la quitte plus et tente à chaque instant de combler la vacuité de son existence.

Son récit est celle d’une errance, dans les rues d’Amsterdam notamment et aux alentours dans un paysage lisse dans lequel le ciel se confond avec la terre et la mer. Tout y est en aplat, comme des touches de couleurs sombres. Il a quitté Paris, pour chasser certains démons de son esprit.

Jean-Baptiste parle, avocat de son état, c’est ce qu’il déclare, parle sans cesse de manière complètement individualiste, ne cherche pas à obtenir l’approbation de son interlocuteur à qui il ne donnera jamais la parole. Il s’autoalimente de son discours. On reconnaît là une caractéristique essentielle de la bourgeoisie.

A chaque confession, Jean-Baptiste tente avec ce « panache » typiquement français de s’en tirer pour ne point en dire trop, ménager le suspens. Qu’a-t-il donc à se reprocher cet homme à la figure presque christique? Il se noie parfois dans l’alcool de genévrier du bar le Mexico-City, pour oublier. Il n’y a pas de bourgeoisie sans alcool.

Tout commence au Mexico-city, le narrateur de la Chute prend la parole. Il se présente sous le meilleur jour : il dit avoir un physique d’athlète, être fort urbain, en somme être un homme idéal. On reconnaît ici l’outrecuidance bourgeoise.

L’interlocuteur de Clamence devant partir, ce dernier l’accompagne et sur le chemin du retour, Clamence compare les canaux d’Amsterdam aux cercles concentriques de l’enfer de Dante. C’est une première faille dans le portrait policé que Jean-Baptiste veut donner de lui. Puis un pont se présente à eux. Clamence hésite et laisse son interlocuteur car il a, dit- il, fait le vœu de ne jamais plus traverser de pont.

Les hommes devront se revoir au Mexico-City. On voit ici l’absurde condition que Jean-Baptiste se fixe : ne pas traverser de ponts dans une ville qui n’en compte pas moins de 165. L’incapacité du saut qualitatif, du changement de rivage, voilà également une caractéristique de la vie quotidienne bourgeoise. Mais on trouve également l’idée que les sauts qualitatifs n’ont pas de sens, que la vie n’a pas de direction, pas d’orientation, que toute évolution est hasardeuse.

Le lendemain, l’interlocuteur curieux de ce personnage semble au rendez-vous. Clamence revient sur son malaise. Il était un as du barreau et défendait avec force la veuve et l’orphelin. Clamence veut faire croire que malgré son aspect bourgeois, et à titre d’indulgence qu’il recherche dans le regard de son interlocuteur, il défendait réellement les plus démunis, avant d’être devenu aujourd’hui un « juge-pénitent ». Il ne coure ainsi plus de fêtes en galas, mais s’est retiré à Amsterdam après avoir entendu Ponts des Arts à Paris un cri bien curieux.

Au troisième jour, les plaies de Clamence, qui se complait dans l’expiation pour rechercher un pardon quasi-divin, s’ouvrent encore plus. Clamence réfléchit à ce que devrait être son symbole : un Janus à double face avec pour devise « ne vous y fiez pas ! ». Selon lui-même il « crevait de vanité » littéralement avant cet « incident ». Puis s’ensuit des troubles de la mémoire et des événements anodins reviennent à la surface de sa mémoire, comme l’altercation avec un motocycliste, sur lequel Clamence n’a pas eu le dessus. Viriliste, Jean-Baptiste ne peut admettre de n’avoir pu corriger cet homme.

« J’avais rêvé cela était clair maintenant, d’être un homme complet, qui se serait fait respecter dans sa personne comme dans son métier. Moitié Cerdan, moitié de Gaulle si vous voulez…[mais] il ne m’était plus possible de caresser cette belle image de moi-même ». Clamence en fut troublé au plus profond au point de connaître un fiasco sexuel, lui qui se voulait être Don Juan. Il se sent encore plus meurtri lorsque la jeune femme en fit part à un tiers.

On retrouve ici la tension propre à la figure bourgeoise de notre époque, tension reposant sur une identité urbaine raffinée mais en définitive coupée de toute vie naturelle. Cette tension repose sur la contradiction entre la ville et les campagnes provoquée par le capitalisme, et produit des êtres humains considérant leur corps comme une « machine » plus ou moins forcément en faillite.

La pensée mécanique à la française, issue de Descartes, a accentué encore plus et le raffinement, et l’aliénation liée à ce raffinement abstrait.

Et nous voyons donc qui est Clamence, un homme sexiste, égoïste, viriliste, un bourgeois enferré dans sa vie, louant ce mode d’existence et qui regrette l’événement qui va le faire sortir de cette voie toute tracée.

Il parle de lui et pourtant c’est un drame qui l’éveille à prendre conscience de sa condescendance : « J’entendis le bruit qui, malgré la distance, me parut formidable dans le silence nocturne, d’un corps qui s’abat dans l’eau. Je m’arrêtai net, mais sans me retourner. Presque aussitôt j’entendis un cri, plusieurs fois répété, qui descendait lui aussi le fleuve, puis s’éteignit brusquement. Le silence qui suivit, dans la nuit soudain figée, me parut interminable ».

Voilà, Clamence sait de quoi il s’agit, d’un suicide d’une désespérée, mais même s’il arrête sa course ne prend pas le temps de porter assistance. A la détresse d’un individu, Clamence ne répond que par le mépris et l’égoïsme: « la nuit me parut interminable ».

Nous voyons ici l’esprit bourgeois dans sa complétude : quelqu’un est mort et Clamence ressent non de la compassion, mais de la honte et de la culpabilité pour n’avoir rien fait. En somme Clamence est l’un de ses milliers de rouages du capitalisme, dans lequel chacun avance au détriment de l’autre, sous couvert d’un humanisme de façade bienséant, affirmant « défendre la veuve et l’orphelin », sans pour autant faire grand-chose en réalité.

Camus a ici synthétisé la faillite de la morale bourgeoise, et redonné vie d’une manière unique au romantisme bourgeois avec narrateur torturé par son inaction. On retrouve ici l’essence de l’époque sur le plan littéraire, avec le « nouveau roman » présentant un narrateur naviguant à vue dans le monde, tout comme il va de soi le « théâtre de l’absurde. »

Une île au large d’Amsterdam, pittoresque, voilà le décor de la nouvelle rencontre de Clamence et de son interlocuteur. Une nouvelle fois Clamence se plaint, déclare avoir pensé au suicide, cependant il déclare aimer la vie, c’est-à-dire s’aimer trop soi-même pour passer à l’acte. Complètement autocentré, dans une attitude statique, métaphysique, Clamence ne cherche qu’à sauver les apparences bien que les doutes l’assaillent, toutefois jamais sur ce qu’il aurait dû faire, mais surtout ce que les autres pensent de lui.

Ce qui est ici présenté, c’est l’incapacité de la figure bourgeoise à pratiquer l’autocritique, à chercher des dynamiques justes, correctes, portées par le nouveau contre l’ancien.

C’est logiquement ici la révélation de Clamence : découvrir que l’homme est une « duplicité profonde», une part d’ombre et une part de vertu. C’est le grand thème du romantisme: la vie est pleine d’obstacles, sans avoir de sens véritable, le jour peut se transformer subitement sans raison en nuit, et vice-versa. Tout est chaos.

On voit alors que Clamence ne peut supporter de quitter la vie en laissant derrière lui une image écornée. Jean-Baptiste veut se révolter et sacraliser ce qu’il pense être l’abjection du monde dans une perspective toute nietzschéenne : « Je méditais par exemple de bousculer des aveugles dans la rue, et à la joie sourde et imprévue que j’éprouvais, je découvrais à quel point une partie de mon âme les détestait ; je projetais de crever les pneumatiques des petites voitures d’infirmes, d’aller hurler « sale pauvre » sous les échafaudages où travaillait les ouvriers… ».

Ce qu’on voit ici, c’est la complaisance de Camus pour cette position; les biographes expliquent d’ailleurs que « La chute » est son oeuvre la plus « personnelle. » Mais il ne s’agit pas de son côté sombre, il s’agit du statut même de la figure bourgeoise à notre époque. Ainsi, Clamence ne parvient pas à assumer une position fixe fut-il négative, il est simplement fourbe et traitre comme tout bourgeois parvenu.

Ce caractère contradictoire, ambivalent, schizophrène de la figure bourgeoise avait déjà été décrite par Drieu la Rochelle, là aussi avec une dimension biographique dans ses oeuvres.

Enfin, le roman continue, les deux hommes sont sur un bateau et traversent le Zuiderzee. Clamence évoque alors ce châtiment du moyen-âge qui est la cellule du malconfort, une cage où le prisonnier doit se tenir perpétuellement dans une position douloureuse ni assis, ni debout. Bien sûr Jean-Baptiste pense fort à lui, il se sent plus en quiétude, mais dans l’inquiétude. De fait, ce qu’on voit ici c’est l’angoisse perpétuelle de la figure bourgeoise, sa souffrance, son malaise. La figure bourgeoise ne peut plus vivre: elle a fait son temps.

Qu’est-il advenu de ce cri dans la nuit ? Clamence n’y revient pas. C’est sa souffrance qui doit éclater à la face du monde. Tel est le bourgeois: égocentrique, voire pratiquant le solipsisme.

Alors, au dernier jour de leur entrevue, les deux hommes se retrouvent chez Clamence qui reçoit son interlocuteur. Il est fiévreux. Arrêté par les allemands pendant la guerre, il est interné par mesure de sécurité. Dans ce camp, par le mysticisme de qui se dégage de lui, les prisonniers l’élisent « pape », mais un pape qui vit avec les malheureux et non pas sur un trône, se croit obligé de préciser Clamence, comme pour se racheter. Ce qu’on a ici, c’est le mode de vie bourgeois où « au pays des aveugles les borgnes sont rois. » Dans la folie quotidienne façonnée par la bourgeoisie, il n’y a plus de réalisme et la personne un peu « philosophe » acquière une valeur subjective, car semblant comprendre la réalité.

Clamence continue son histoire, et explique qu’un jour, alors qu’il devait rationner l’eau à cause de son nouveau statut hiérarchique, Jean-Baptiste s’octroie la ration d’eau d’un agonisant. Poussé par la fièvre, Clamence avoue le but de sa confession : dans un monde où Dieu est mort et où la liberté est grisante mais futile, il n’y a pas d’autre alternative que de proclamer en procureur du système la culpabilité de tous. L’individualisme de la bourgeoisie est ici sacralisé.

C’est ainsi ici qu’exilé à Amsterdam, Clamence exerce la profession de juge-pénitent : se livrer en confession publique en se chargeant des fautes de l’humanité, mais pour, par un effet de miroir, mieux les renvoyer à l’interlocuteur. Ainsi Clamence a trouvé le moyen de tirer les autres dans sa chute, tout en s’élevant au-dessus de ses semblables. Si Clamence n’a pas réagi, personne dans le monde bourgeois n’aura droit à la rédemption.

Dans un monde vidé de Dieu, si un homme faute, sa responsabilité est portée sur l’ensemble de ses semblables et sur l’humanité entière. Ainsi on se retrouve dans une perspective proche de l’enfer décrit par la Cité de Dieu de Augustin : une seule faute vaut pénitence éternelle.

Sauf qu’ici, si Clamence faute, il en rejette la responsabilité sur l’humanité. De la personne qui s’est retrouvée derrière ce bruit de chute, il ne dira pas un mot. Le récit s’achève par l’ambiguïté des deux personnages qui semblent se confondre : « alors racontez moi je vous prie ce qui est arrivé un soir sur les quais de seine…»

Se confondre, disparaître, fusionner: deux devient un, comme le veut l’anti-dialectique de la bourgeoisie. Au travers de Jean-Baptiste se glisse l’auteur Albert Camus : sorti des bas-fonds de la Casbah d’Alger d’un père décédé qu’il n’a pas connu et d’une mère célibataire illettrée et vivant dans une grande misère, Camus est devenu professeur à force de détermination et de compromission.

Au travers du narrateur Jean-Baptiste, c’est la culpabilité même de Camus qui s’exprime : celle d’être devenu un parvenu, celle d’avoir perdu sa conscience de classe. Il entend le cri de sa classe d’origine, mais ne se retourne pas. Surtout pas: ne pas retourner d’où il vient.

C’est un aspect important de Camus, car ce sont les masses qui font l’histoire, et l’on ne peut pas comprendre sinon la signification historique de Camus, sorte de social-démocrate de l’époque décadente.

Ainsi Camus fut un résistant, un humaniste de gauche, mais Camus ne s’est jamais engagé réellement au coté du prolétariat, car il ne le voulait pas, car il ne le pouvait pas, portant en lui le négatif, le refus de la dialectique. D’où sa contradiction individuelle une fois que sa négativité s’est transformée… en positivité vu que la bourgeoisie l’a reconnu comme une grande figure de son époque, notamment avec le prix Nobel de littérature en 1957.

A ce titre, notons que la critique officielle des « camusiens » de ce livre est évidemment toute différente. Pour eux, la chute c’est l’histoire de l’homme existentialiste élaboré par Sartre, cette tension perpétuelle entre l’affirmation de la liberté absolue (principe de l’existentialisme) et l’attrait vers le déterminisme historique dont les bourgeois se figurent qu’il s’agit du marxisme.

Ce Clamence n’est donc pas Camus, en tout cas pas uniquement selon la critique officielle, mais en grande partie ce bourgeois qui aimerait être communiste, à l’image de Sartre qui tentera dans un exercice désespéré (La Critique de la Raison Dialectique) d’affirmer que l’homme seul à une histoire (à l’opposé de toute les affirmations d’Engels et de la science) et demeure entièrement libre dans celle-ci malgré ce qu’il nomme des extéro-conditionnements (les conditionnements extérieurs).

Pourtant, Clamence c’est en grande partie Camus qui se retourne sur sa vie. Le critique bourgeois proche de Sartre et du PCF à l’époque, Francis Jeanson, avait dit de Camus qu’il restait « essentiellement statique », et le bourgeois Sartre d’arguer lui-même au sujet de Camus « Vous être un bourgeois ! ».

C’est un peu l’hôpital qui se moque de la charité il est vrai, mais il existe une caractérisation exacte : Camus malgré ses succès littéraires et sa culture n’avait pas à servir la bourgeoisie, car en faisant cela, il trahissait sa classe d’origine. En ce sens Sartre, bourgeois de naissance, a tenté de servir le prolétariat avec son œuvre (lui a refusé le prix Nobel et soutenu les maos), bien que baignant dans un idéalisme moraliste des plus conséquents.

« La Chute » de Camus doit être, par conséquent, réfutée comme modèle de la littérature bourgeoise égocentrique, moralisatrice et imprégné d’égoïsme capitaliste. « La Chute » de Camus est le récit d’un renégat qui culpabilise de son mépris pour la classe ouvrière.

Cette oeuvre est à condamner en bloc comme oeuvre bourgeoise décadente et typiquement décadente: elle ne porte en effet même pas en elle le refus de l’angoisse, elle ne porte même pas en elle la souffrance individuelle qu’il faut dépasser.

En ce sens, Camus reste bien anecdotique (car trop complaisant) comparé à des oeuvres bourgeoisies conservant une dimension lyrique réelle pour réussir à exprimer le malaise terrible de la société capitaliste, comme Rimbaud, Trakl, Kafka ou plus récemment Ian Curtis et Joy Division.

Il est évident ici que « La chute » aurait pu être la première protestation de type « grunge » mais l’on voit que Camus était trop dandy – comme nombre d’écrivains français cultivant leur « style » – pour être expressionniste. C’est là l’une des dimensions terribles de l’échec de la littérature française de tout le 20ème siècle.

 

Paru sur Contre-informations.fr, janvier 2010

 

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30 avril 2010 5 30 /04 /avril /2010 06:03

Dans l’après-guerre Albert Camus est auréolé de ses faits d’armes au sein de réseaux résistants. Il est éditorialiste dans l’un des plus grands journaux de l’époque (Combat), La Peste a rencontré un franc succès public, il devient un écrivain majeur.

 

Très vite happé par la sphère bourgeoise, Camus accepte d’être consacré comme un véritable  « ambassadeur » de la culture française. Et il faut bien voir le contexte: le Parti Communiste est alors très puissant, il n’a pas abandonné le drapeau de Staline, et les intellectuels bourgeois sentent la pression communiste des masses comme une véritable menace.

 

Dès ce moment, Camus comme l’ensemble de la bourgeoisie de gauche, Sartre et Breton en tête se figure la possibilité d’une « troisième voie », celle d’un anti-américanisme anti-communiste, ou d’un anti-communisme anti-américain.

 

L’esprit français dans ce qu’il a de plus baroque se manifeste : « ni Washington, ni Moscou » est alors en quelque sorte le cri de ralliement de la petite-bourgeoisie intellectuelle. Camus loin d’être en marge frappe de son sceau cette assertion par ses éditoriaux.

 

Camus ne pense le communisme que comme peut le faire un petit-bourgeois de son état, c’est-à-dire sous forme d’une dictature totalitaire, liberticide et non une dictature du prolétariat. Il participe aux réunions de l’éphémère Rassemblement Démocratique révolutionnaire, fondé notamment par Sartre et adepte de cette « troisième voie. »

Camus évolue grâce à cette ligne au sein du camp de la bourgeoisie, bourgeoisie qui l’accueille comme caution morale « de gauche. » En ce sens, il pave la voie aux « nouveaux philosophes » des années 1970 (Bernard-Henri Lévy et d’André Glucksmann principalement, mais on peut et doit y rattacher Michel Foucault).

 

Et tout comme les « nouveaux philosophes » des années 1970, Camus accorde une grande importance à la violence, pour la critiquer, la rejeter, la combattre.

 

C’est en cela qu’il est très utile à la bourgeoisie: Camus est très soucieux de son image de « fils de peu » et il aurait dû gagner la cause du prolétariat, mais il ne l’a pas fait. Il entend pourtant conserver une image « populaire » et c’est là que la bourgeoisie l’utilise pour faire passer son message social-démocrate.

 

En juin 1947, Camus travaille sur une pièce de théâtre qui serait le fruit de la tentative de résorption de cette tension entre sa volonté « sociale » et sa participation à la vie de la bourgeoisie. Une contradiction petite-bourgeoise, qui ne peut se résoudre que par une oeuvre intellectuelle: la pièce « la corde » va alors devenir « Les justes ».

 

« Les justes » est une pièce en 5 actes. Nous sommes en 1905 en Russie. Dans l’appartement d’un révolutionnaire se tient une réunion secrète. Le groupe de révolutionnaire (socialiste-révolutionnaire) est dirigé par Annenkov.

 

Dora, figure féminine, est confinée à un second rang, ce qui dénote déjà de l’aspect sexiste de la pensée de Camus : elle est simplement en charge de l’intendance dont notamment les explosifs. Stephen est quant à lui un ex-bagnard qui revient de déportation pour des faits politiques, Voinov, un étudiant et Kaliayev dit « le poète » figure l’intellectuel du groupe.

 

On notera la touche romantique voulant que l’intellectuel soit forcément un « idéaliste » mais un idéaliste plus aventurier qu’idéologue. D’ailleurs, restés seuls suite à la réunion, Dora et « le Poète » évoquent l’attentat avec romantisme en disant que « seul mourir pour l’idée est à la hauteur de l’idée ». En mourant dans l’attentat ou sur l’échafaud on donne un sens à sa vie.

 

Camus n’échappe pas dans son style à la grandiloquence bourgeoise et il est impossible de ne pas voir ici une conception romantique bourgeoise, toute morbide, qui est la même que celle de Drieu la Rochelle ou de Ben Laden. La spiritualité donne son corps, pour se transcender en quelque sorte.

 

Ces petit-bourgeois révoltés veulent donc donner sens à leur vie en faisant non une « action directe » mais finalement une œuvre. C’est une vision romantique et métaphysique de la violence révolutionnaire qui caractérisera en 1951 l’homme contemporain qu’il tente de décrire dans « l’homme révolté », cet homme en quête perpétuelle d’une révolte à assouvir comme un besoin, de manière individualiste sans se soucier du peuple.

 

En fait, le culte du « geste » est typique de la bourgeoisie. La forme se transforme en contenu, comme par magie: c’est la vision bourgeoise du monde. Mais Camus y ajoute une touche « sociale » et c’est là qu’il officie comme un bon social-démocrate.

 

Car Camus parle de la violence, mais pour l’empêcher. Voilà pourquoi dans la pièce, Dora met en garde « le poète » : lorsqu’il lancera la bombe il aura en face de lui non une fonction mais un être humain. Kaliayev lui  rétorque que la haine le guidera, ne voyant ainsi non le Grand-duc en tant qu’homme mais en tant que despote.

 

Cette détermination n’est mise en avant que pour la briser. En fait, Camus nie déjà que c’est un phénomène scientifique (la lutte de classe) qui est à l’origine des bouleversements historiques, il nie la science au profit de l’irrationalisme romantique pétri d’egos, d’affects et de sentiments. Il veut démontrer que la révolution est une affaire de quelques hommes et de quelques sentiments.

 

Il nie que la réalité sensible s’insère dans une dynamique plus grande, que la haine de classe est intégrée dans la lutte des classes, que l’action individuelle fait partie du jeu collectif.

 

Camus veut également la lutte révolutionnaire en jouant sur la corde de l’individu, et donc de la morale, bien évidemment bourgeoise. Camus veut instaurer le doute sur la révolution, sur ses méthodes, sur ses objectifs, sur sa nature elle-même. « Les justes » consistent en une arme idéologique de la bourgeoisie.

 

Voilà pourquoi, dans l’acte II, le lendemain, Dora et Annenkov attendent dans l’appartement avec angoisse pour savoir si l’attentat s’est bien déroulé selon le plan établi. Après une clameur dans la rue, on apprend que Kaliayev n’a pas jeté la bombe et surpris par son geste Voinov a laissé passer son tour.

 

Tous se retrouvent donc dans l’appartement et Kaliayev explique qu’il n’a pas voulu lancer la bombe car deux enfants se tenaient aux côtés du Grand Duc. « Je ne suis pas un lâche, je n’ai pas reculé…je n’ai pas pu ».

 

Kaliayev soumet alors son geste à l’organisation. Stephen reproche avec violence le geste du « poète ». Selon lui il est entièrement responsable de l’échec : « Des enfants ! Vous n’avez que ce mot à la bouche ! Vous ne comprenez donc rien ? Parce que Yaneck [Kaliayev] n’a pas tué ces deux-là, des milliers d’enfants russes mourront de faim pendant des années ? Avez-vous vu des enfants mourir de faim ? Moi oui ! ».

 

C’est ici toute la science du prolétariat qui est remise en cause: on fait face à un dilemme moral, et non plus une question de stratégie, dans le cadre d’un rapport de force. Camus a réussi son coup: déplacer le champ de réflexion.

 

Dora intervient alors et revêt l’aspect d’un être duel, compatissant : toute destruction doit avoir ses limites.  La mort d’un enfant est selon elle le geste face auquel l’action révolutionnaire perd toute dignité s’il est perpétré. Une nouvelle fois Camus montre Dora sous le jour d’une femme séduite plus par le « poète » que par la morale de son geste, qui donne raison à Kaliayev.

 

Et celui-ci, si déterminé auparavant, se révèle finalement moraliste: « moi vivant, [si] la révolution devait se séparer de l’honneur, je m’en détournerais ».

 

Camus est bien un agent de la réaction : il moralise le débat de manière abstraite et fictive; il montre des vulgaires individus qui se permettent de « jouer » avec la vie d’enfants. Il veut soumettre le concept de révolution à l’opprobre populaire.

 

La suite est conforme à ce cheminement: à l’acte III, deux jours plus tard. Voinov demande à voir Annenkov. L’attentat doit avoir une nouvelle fois lieu, mais il se dit brisé et fatigué, il ne sera pas possible pour lui de le perpétrer. Il veut quitter le groupe.

Le but de Camus est atteint: il peut montrer la capitulation, sur une base morale, individuelle, après avoir caricaturé l’engagement collectif.

 

Camus par cet homme brisé nerveusement, souligne l’individualisme qu’il pense être la clé de l’engagement politique : les protagonistes vont et viennent, discutant librement sans se soucier à aucun moment des intérêts du peuple, si le peuple a intérêt à voir un attentat se faire contre le Grand Duc, de la réalité sociale, de l’actualité des luttes de classe, etc.

 

Il y a ici la négation de la dimension scientifique du socialisme. L’ensemble des personnages camusiens ne parle pas du peuple, de sa volonté, de ses désirs, mais chacun y va de sa confession, de ses convictions. C’est une vision bourgeoise de la politique, où prime l’opinion.

 

Pour Camus, seuls les individus font preuve de volonté et seraient des agents historiques. Les classes sociales sont niées, tout au plus voit-on des niveaux sociaux chez Camus. De plus, ce sont des êtres abstraits hors du champ des contraintes sociales, de la lutte de classe.

 

Camus est donc un écrivain pratiquant le formalisme, le cosmopolitisme: il n’y a plus de réalité, l’histoire pourrait se dérouler n’importe où même s’il y un maquillage russe. Camus prône l’abstraction.

 

D’où, inévitablement, le basculement religieux. Ainsi Kaliayev, plus illuminé et rongé par ses travers petit-bourgeois que jamais, déclare à une Dora conquise qu’il veut dépasser la haine pour atteindre l’amour. C’est le mot d’ordre des Beatles de l’époque, « all you need is love » et pas la peine de faire la dictature du prolétariat; pareillement la chanson « revolution » des Beatles ne dit pas autre chose que Camus ici.

 

Mais Camus rejette tout espoir, donc également la religion, et il n’est pas de la génération hippie. Ce qui amène le fait que Dora et Stephen restent à l’appartement alors que finalement Kaliayev (voulant se racheter en quelque sorte) et Annenkov s’en vont, et un bruit d’explosion se fait entendre, ce qui annonce la réussite de l’attentat.

 

Camus se révèle très utile à la bourgeoisie à ce niveau: il fait comme s’il parle de la révolution, ce que les auteurs bourgeois traditionnels ne savent pas faire. La pièce du théâtre présente la révolution comme étant ce que décrit Camus.

 

D’où, bien entendu, l’échec. A l’acte IV. Kaliayev est arrêté et nous le retrouvons dans sa cellule. Un homme du peuple, Foka, est censé la nettoyer. Il est présenté comme un rustre alcoolique qui a tué trois personnes à coups de hache. Une discussion s’engage entre les deux détenus. Foka ne comprend pas le but de la tentative d’assassinat du Grand Duc, du reste il avoue au « poète » qu’il est le bourreau de la prison.

 

Camus du haut de son mépris pour le peuple fait du personnage le plus populaire de la pièce le bourreau, celui par qui la mort du romantique poète risque de venir. Le peuple est une menace pour le petit-bourgeois artiste: telle est la morale.

 

C’est une position aristocratique typique du poète vendu à la bourgeoisie. Camus tente de se rassurer dans sa quête de la bourgeoisie lui qui n’est parti de rien en tirant à lui comme une couverture l’exemple d’un homme populaire devenant bourreau et serviteur du système.

 

C’est la négation du rôle révolutionnaire de la classe ouvrière, c’est l’apologie de la petite-bourgeoisie comme porteuse des vraies valeurs.

 

D’où la confrontation dans la prison entre Kaliayev et la grand-duchesse Élisabeth devenue veuve par sa faute. Camus les présentent comme deux caricatures: l’un voulant sauver l’humanité par la révolution, l’autre voulant la sauver par la religion.

 

Le personnage de Kaliayev n’est, dans ce cadre, pas à considérer comme quelqu’un de décidé, de motivé: il est caricatural, borné. C’est le révolutionnaire à la Netchaiev ou Ravachol dont fantasme le bourgeois.

 

Et la grand-duchesse est froide et brutale comme la bourgeoisie: seul Camus, seul l’artiste, seul le petit-bourgeois serait alors authentique…

 

Pour autant, l’artiste est payé par la bourgeoisie, et Camus continue son attaque contre la révolution. Et cette vision d’un révolutionnaire borné permet l’inversion et d’amener le doute. A l’acte V, les terroristes se retrouvent sans savoir si Kaliayev les a trahis. Dora est très affectée. Elle se demande si tout cela est juste : « si la seule solution est la mort, nous ne sommes pas sur la bonne voie. La bonne voie est celle qui mène à la vie, au soleil. »

 

Stephen et Voinov entrent sur scène et annonce l’exécution du « poète », signe qu’il n’a pas trahi. Dora demande d’être choisie alors pour lancer la bombe du lendemain. Elle attend de justifier son existence en étant pendue.

 

Ainsi une nouvelle fois la seule femme de la pièce (outre la Grande Duchesse, figure religieuse en fait) ne s’engage réellement dans l’action politique violente que pour l’affect, non par conviction. Elle veut être pendue avec « la même corde ». On voit que Camus ne développe que l’image de la femme comme un représentant du sentimentalisme et de l’engagement amoureux. Il ne peut penser la femme comme agent révolutionnaire à part entière, il cantonne la femme à son rôle d’intendance et d’amoureuse, car lorsqu’elle passe à l’action politique, c’est pour l’amour de l’homme et non de la cause.

 

Cette pièce est un amalgame de bons sentiments qui fait ramper son auteur devant les sirènes de la bourgeoisie. Elle relève typiquement de l’esprit français de la morale politique petite-bourgeoise, elle se moque des intérêts du prolétariat et de sa libération.

 

Les sociaux-traîtres représentent dans la classe ouvrière les intérêts de la bourgeoisie; Camus est un social-traitre : il vient du peuple, mais s’est rangé sous l’étendard de la bourgeoisie, tout comme Sartre qui a lui aussi sa version de « Les justes »: « Les mains sales. »

 

paru dans Révolution Janvier 2010

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